Le Journal d’Æwinn : Entrée en matière
||Effuges – 3ème Diquiéti de l’hiver 3057||
Je suis Æwinn, professeure à la prestigieuse Académie Horticole d’Effuges. Le mentionner m’ouvrirait bien des portes si je me souciais de les pousser, et nombreux sont les confrères qui tueraient pour mon poste. Seulement voilà, j’enseigne l’Histoire… Et l’Histoire, ici, à Effuges, ça n’intéresse pas grand monde.
Dans la région du Delta, lorsque l’on daigne se pencher sur le passé, c’est moins souvent par curiosité ou pour essayer de comprendre le présent, que pour ressusciter une variété oubliée de légume ; plus prosaïquement pour dégoter un nom à la consonnance vaguement antique, dont on estampillera une nouvelle cargaison de nourriture insipide et destinée aux masses paresseuses en mal d’authenticité.
Vous l’aurez compris, chères lectrices et chers lecteurs, le présent journal ne sera pas le réceptacle de mes meilleures humeurs.
Du moins y trouverez-vous, mouillé d’un peu de fiel, un condensé non exhaustif de cette érudition dont l’Administration Fédérale Trione arme ses braves petits soldats du savoir, avant de les envoyer se frotter aux hordes de boutonneux nourris à la mamelle vénéneuse du Plegma, ce si prometteur réseau planétaire, dont les naïfs fondateurs s’étaient figuré qu’il éclairerait des lumières de la raison les recoins les plus reculés de la planète.
Quand les vidéos de chiots, de bébés genettes et de chatons ne parviennent plus à vous attendrir, quand les boniments des guérisseurs de l’âme et les postures outrées des rebelles de salons vous portent trop dangereusement sur les nerfs, faites donc de ces pages votre refuge. L’aigreur m’a déjà trop rongé le cuir pour que j’en guérisse un jour, mais imaginer que ma misanthropie exacerbée pourrait endiguer la vôtre et vous éviter d’irréversibles lésions me fait déjà l’effet d’un apaisant pansement.
